Médiateur, rien de ce qui est numérique, ne m’est étranger
Médiateur, rien de ce qui est numérique, ne m’est étranger
Le confinement s’est imposé à plus de 3 milliards d’individus comme seul moyen efficace de protection d’un virus. Cette période de quarantaine – vite devenue soixantaine - aura manifestement contribué à ralentir la diffusion du virus pas encore maîtrisé.
Nous voilà donc, citoyens de troisième ligne, devenus impuissants mais pas tout à fait inutiles dans notre confinement, à devoir nous organiser, nous réorganiser pour gérer différemment notre temps et nos relations aux autres.
C’est ainsi que très vite, il a fallu s’emparer, découvrir et maîtriser pour certains, les applications de téléconférence et de vidéoconférence. Ces outils en ligne, en dépit d’une fracture numérique encore frappante, auront – il est vrai – montré leur utilité sociale auprès de nos clients et fournisseurs, de nos collégiens et lycéens, de nos aînés et de nos proches pour tenter de rester en contrôle et de maintenir une indispensable continuité économique, scolaire, affective et même festive.
C’est ainsi que, tout jeune diplômé médiateur, réfléchissant à ma pratique et volontaire pour la développer, je me suis durant cette période de confinement intéressé aux plateformes en ligne de médiation et plus largement de résolution amiable des conflits.
Je découvre alors nombre de services de médiation en ligne rivalisant de promesses sur le faible coût et la rapidité de LA solution. Serait-ce donc là le déploiement numérique d’une justice XXI accessible à tous, répondant aux nécessités de son adaptation et de sa modernisation par l’alliance des techniques de la communication et du big data de l’intelligence artificielle ?
Toutes les professions du droit et du chiffre s’en emparent et l’évolution semble inévitable à tel point que le service de la justice deviendra – en partie - un produit numérisé en ligne au même titre que d’autres services d’utilité public dans les secteurs du transport, de la restauration voire même de la santé.
Se répand depuis une dizaine d’années - le principe, posé par les innombrables plateformes numériques de médiation institutionnelle au sein de chaque administration et de chaque corps de métiers, selon lequel la médiation est dématérialisée et gratuite.
Faut-il se résoudre à ce que la médiation devienne un simple service en ligne dont la gratuité sera à l’avenir financée par des annonceurs ? Faudra-t-il adapter l’incomparable devise de Terence « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger », en remplaçant l’humain par le numérique ?
Ne nous trompons pas. Il s’agit de reconnaître les formidables avancées techniques nous permettant plus facilement, plus rapidement, plus largement de nous connecter. Il s’agit de reconnaître l’accès instantané à l’information et au savoir au service de la justice. Il s’agit d’apprécier et de se féliciter des développements de cette puissance cognitive, outil précieux pouvant nous rapprocher et trouver des solutions qui nécessitent aujourd’hui plus que jamais d’être pragmatiques et rapides.
Pour autant, ces technologies de l’information ne doivent pas s’imposer comme les nouveaux fétiches de notre organisation sociale, au risque d’une trop grande dépendance menant in fine à une incapacité à renouer des liens véritables et à pouvoir améliorer, comme chacun semble y aspirer, notre « après confinement ».
Le médiateur est un guide, tentant d’amener deux personnes, bloquées chacune sur leur propre versant, à venir marcher sur la même ligne de crête, les menant au bout de la course sur un chemin moins escarpé et bien plus engageant.
Trouver cette ligne de crête nécessite une présence physique irremplaçable, des gestes, des échanges de mots et de regards, des encouragements, une écoute attentive et une compréhension partagée.
Il s’agit là d’une autre ligne que celle qui nous relie aux plateformes numériques. Il s’agit d’une ligne de vie concrète et qui doit être entretenue par les médiateurs dans la défense d’une véritable pratique.
Olivier MAËS
Médiateur
www.b2z-avocat.fr
www.médiation-hdf.fr
- juillet 2020
- avril 2020
- mars 2020
- février 2020
- janvier 2018